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Etes-vous sûr de vouloir vous confronter à Vernon SUBUTEX ?

Publié le par Véronique B.

QUI EST VERNON SUBUTEX ?

Une légende urbaine.
Un ange déchu.
Un disparu qui ne cesse de ressurgir.
Le détenteur d’un secret.
Le dernier témoin d’un monde disparu.
L’ultime visage de notre comédie inhumaine.
Notre fantôme à tous.
 

Etes-vous sûr de vouloir vous confronter à Vernon SUBUTEX ?

L'avis des Incorrigibles

Note sur 5 : * * * * *

Vernon SUBUTEX - Tome 1

Vernon était disquaire. Jusqu’au jour où le numérique est arrivé. Il se retrouve sans travail et vit reclus dans son appart. Il vit très chichement, comptant sur son ami, chanteur célèbre, pour le dépanner, notamment au niveau du loyer.

Jusqu’à un tragique drame.

On va faire la connaissance de tout le petit monde - amis, connaissances – qui gravite autour de Vernon Subutex et d’Alexandre Bleach, chapitre après chapitre. Chacun étant consacré à un personnage. Les lecteurs se retrouvent à travers ces portraits. C’est saisissant et criant de vérité.

Despentes décrypte la société et notre monde contemporain avec force et maestro. C’est sans complaisance aucune, et comme l’a si bien résumé Patrick Cohen de France Inter, « une saga indignée et désenchantée. » C’est tout à fait ça.

 

Vernon SUBUTEX - Tome 2

On retrouve tous les personnages du premier tome. Tous se retrouvent pour essayer de sortir Vernon Subutex de son état de SDF. Et surtout de sa bulle et de sa léthargie dans lesquelles il se complait. D’ailleurs, il contamine son entourage et il répand sa bonhomie autour de lui, un peu comme un gourou ou un bienheureux hippie.

Un peu plus gai que le premier, en tout cas, un peu plus d’espoir et surtout beaucoup de solidarité entre les uns et les autres.

Mais cela va-t-il durer ? Le troisième tome sort en poche le 2 mai ! Trop impatiente de savoir comment tout cela va se terminer.

 

Vernon SUBUTEX - Tome 3

Ah très réussi ce troisième tome ! Epoustouflant ! Si on s'attendait à ça. Mais quelle autre fin que celle-ci ? Virginie DESPENTES ne démérite pas du tout avec ce troisième opus ! Ecriture toujours aussi âpre, notre société toujours aussi finement décryptée.

J'ai beaucoup hésité à lire
Virginie DESPENTES, mais ne passez pas à côté, à moins de craindre de vivre des moments réalistes de la société d'aujourd'hui, que vous avez peut-être vécus, et que vous ayez peur de vous y confronter. A vous de voir !

Page 73

Patrice
… Il attrape un journal abandonné sur une table voisine. « Le résultat des élections en Italie inquiète les marchés financiers. » Une giclée de colère à l’arrière du cortex, telle une langue de goudron brûlant. Comment osent-ils imprimer ça. On visse dans les cerveaux cette idée de la dette, aucun journaliste ne fait son travail : raconter ce qui se passe vraiment. Marquer la différence entre dette publique et dette privée, raconter l’histoire dans sa complexité – appeler un chat un chat, les riches ont déclaré la guerre au monde. Pas seulement aux pauvres. A la planète. Et avec l’appui complaisant des médias, on prépare l’opinion aux réformes sauvages. Ca le rend fou. Devant les casiers de tri, le matin, les gamins n’ont que le Front national à la bouche. Ça se distille par bribes, « Marine a raison sur l’euro, on s’est bien fait avoir », comme si elle ne faisait pas partie du sérail. Ca ne les choque pas de voir l’élite s’accommoder du Front national avec tant de facilité. « On est chez nous, quand même », qu’ils disent. Chez nous. Au centre de tri où il est en CDD, ils les font commencer à 4 heures 20 le matin, pour ne pas avoir à les traiter au régime de nuit. La fonction publique, c’est comme ailleurs : tout pour les cadres. Il a fallu en nommer de plus en plus, les payer de mieux en mieux, accumuler les privilèges, et tout ce qui leur a été octroyé a été volé aux agents d’en bas. Ceux qui font vraiment le travail. Bougres d’imbéciles, comment peuvent-ils ne pas comprendre qu’on les monte les uns contre les autres, quand on les chauffe à blanc pour qu’ils cognent sur leurs voisins de palier ? Les banques vident les caisses de l’Etat sous prétexte qu’elles ont fait des conneries, on collectivise leurs déficits, on privatise leurs bénéfices, et ces connards de citoyens réclament une raclée pour les Roms.
Mélenchon est meilleur que Marine, sur tous les plans. Son seul problème, pour plaire, c’est qu’il n’est pas raciste. Les gars se sont tellement fait nettoyer la tête, depuis dix ans, que le seul truc qui les obsède, c’est pouvoir dégueuler leur haine du bougnoule. On leur a confisqué toute la dignité que des siècles de lutte leur avaient conférée, il n’y a pas un moment dans la journée où ils ne se sentent pas traités comme des poulets qu’on plume, et la seule putain de combine qu’on leur a vendue pour se sentir moins nuls, c’est de brailler qu’ils sont blancs et qu’à ce titre ils devraient avoir le droit de mater du basané. Et de la même façon que les gamins de banlieue crament les voitures en bas de chez eux et n’attaquent jamais le XVIe, le Français précaire tape sur son voisin de transport en commun. Il reste docile même dans ses agacements : à la télé, la veille, on lui a fait savoir qu’il y avait plus dégradé que lui, plus endetté, plus misérable : le Noir qui pue, le musulman qui tue, le Rom qui vole. Tandis que ce qui constituait la véritable culture de ce peuple français, les acquis sociaux, l’Education nationale, les grandes théories politiques, a été démantelé, consciemment – le tour de force de cette dictature du nanti aura été sa manipulation des consciences. L’alliance banques-religions et multinationales a gagné cette bataille. Ils ont obtenu du citoyen sans patrimoine qu’il renonce à tous ses droits, en échange d’avoir accès à la nostalgie de son impérialisme. Là encore, camarade tu te fais avoir : si tu crois que le trésor des colonies était pour tout le monde, déjà à l’époque on ne t’octroyait que le droit de te sentir blanc, c’est-à-dire un peu mieux traité que ton collègue qui ne l’était pas. Du mineur au mouton qui pousse son caddie, on n’aura pas vécu longtemps sous le règne du citoyen instruit. Il faut dire, les riches étaient à bout de nerfs : ils n’en pouvaient plus d’être obligés d’aller jusqu’en Russie ou en Thaïlande pour chercher à voir de bons pauvres, du qui crève la faim, du qui ne sait pas lire, du qui marche pieds nus, du qui te fait sentir éduqué, privilégié, forcément envié. C’est une torture pour lui, ce début de siècle, la colère l’étouffe dès qu’il entend parler de ce qui se passe autour de lui.

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